• 7 mars 2024
  • Chronique, La vie exponentielle
  • Écrit par : Véronique Arsenault

« Tu es certaine que tu peux en prendre plus? »

Aujourd’hui, pour la Journée internationale des droits des femmes, j’ai voulu écrire une lettre d’opinion, mais les mots me manquent.

On est fatiguées – la pandémie, les crises, l’inflation, les enfants et la maison. Tout arrive un peu en même temps et la carrière n’arrête pas. Nous sommes ambitieuses.

Je dis que les mots me manquent parce que le message se répète lorsqu’on aborde la condition des femmes dans le milieu du travail. Et, par définition, une lettre d’opinion se veut percutante par son propos et innovante par ses idées. Et là, j’ai l’impression qu’on est à bout de souffle : ça change, mais trop lentement.

Les données sur la condition des femmes au travail, on les connaît, mais ça vaut la peine de les répéter, surtout aujourd’hui :

  • Le 2/3 des femmes au Québec portent la majorité des tâches ménagères
  • 9 femmes sur 10 veulent accéder à des postes de leadership au cours de leur carrière.
  • Dans les postes de haut niveau, 52 % des femmes ont la charge de la plupart ou la totalité des tâches ménagères, contre 13 % chez les hommes.
  • Pour 100 hommes promus d'un poste d’entrée au premier poste de cadre, seules 87 femmes sont promues.

Cette dernière statistique vous surprendra peut-être, mais elle est clé pour comprendre ce que Lean In nomme le ‘’broken rung’’ ou la marche brisée. C’est le principe selon lequel les femmes sont moins susceptibles de recevoir le premier niveau de promotion dans l’échelle de gestion. L’impact de cet écart devient évident lorsqu’on considère le nombre de femmes en postes aux plus hauts échelons des entreprises (10,90 % au Canada en 2023). Moins il y a de femmes aux premiers échelons de gestion, moins il y en a lorsque vient le temps pour une entreprise d’offrir les promotions à la haute direction.

Qu’est-ce qui explique cet écart? Ce n’est pas l’ambition et ce ne sont certainement pas les compétences. Ce sont des biais. Des biais négatifs, et qui arrivent trop vite dans notre carrière. Pour moi, ils sont arrivés dès que je suis revenue de mon premier congé de maternité. Forte de mes expériences passées, j’étais prête à de nouveaux défis d’envergure. Mais rapidement on m’a dit : « avec deux enfants, tu es certaine que tu peux en prendre plus ? »

Ce que j’avance aujourd’hui, c’est que la flexibilité n’est pas contradictoire à la croissance d’une entreprise. Si la pandémie nous a bien appris quelque chose, c’est notre capacité à s’adapter.

Donner de la flexibilité à ses employés, c’est leur offrir toutes les clés du succès. C’est de se permettre, comme équipe, d’atteindre le plein potentiel. Cependant, comme dans tout, il faut aspirer à atteindre un équilibre. Ce précieux équilibre qui nous permet de répondre aux besoins de flexibilité de nos équipes, tout à ne nuisant pas aux impératifs de productivité de toute entreprise.

Selon moi, une des meilleures façons de se rapprocher de cet équilibre de façon durable, c’est d’ouvrir le dialogue avec nos équipes. Une entreprise ne devrait pas imposer unilatéralement « sa » flexibilité, mais bien en établir les modalités en mobilisant ses troupes autour de cet enjeu. En voulant implanter une solution « taille unique », on rate la cible de répondre aux besoins spécifiques de ses employés et de l’entreprise.

Alors que se pointe ce désir de certaines entreprises de vouloir rapidement revenir au statu quo maintenant que la pandémie est bien derrière nous, profitons de cette occasion extraordinaire de réinventer le monde du travail ensemble. À l’occasion de la Journée internationale des droits de femmes, faisons autrement pour sortir du lot.