
IA et services-conseil : comment éviter de perdre l’essence humaine
Cette chronique, signée par Mathieu Lavallée, aborde un sujet qui dépasse la simple question d’innovation : la perte d’essence quand on prend un virage trop rapide. À travers l’exemple de l’industrie de la restauration, Mathieu nous invite à réfléchir aux risques qui guettent les services professionnels et le conseil à l’ère de l’IA.
Parfois, il y a des innovations qui n’en sont pas. Qui deviennent un piège, pouvant nous faire perdre notre essence. Notre âme. Même si tout cela part d’une bonne intention ou d’une bonne idée.
Ça semble être arrivé à l’industrie de la restauration aux États-Unis. Et nous pourrions tous en tirer des leçons.
La restauration peut prendre plus d’une forme. Parfois utilitaire, parfois expérientielle. Entre les deux, il y a un monde de possibilités, où chacun a ses préférences.
On peut ressortir déçu d’un restaurant étoilé, comme on peut chérir des souvenirs qu’on a vécus à la table du snack du coin.
Ça dépend de plusieurs facteurs. La qualité du produit. La qualité des personnes autour de la table (c’est parfois l’ingrédient le plus sous-estimé lors d’un repas). La qualité de l’expérience qu’on fait vivre.
L’industrie de la restauration semble s’être perdue en chemin, après avoir pris le virage (en quelque sorte forcé) vers la livraison. Plusieurs restaurants livraient depuis des lunes. Mais des intermédiaires, aidés par une catastrophe sanitaire, se sont imposés pour permettre la livraison à tous les restaurants.
Ils y ont laissé une part importante de leurs revenus. Ils y ont perdu leur âme. Ils ont pris un virage qui les a emprisonnés.
La même chose pourrait se produire pour toute l’industrie des services-conseil et des services professionnels si on négocie mal le virage vers l’IA.
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Je prends un pas de recul pour revenir sur le volet expérientiel de la restauration.
Mon commentaire sur la qualité des gens autour de la table n’était pas anodin. C’est un restaurateur qui me l’a appris. Sans trop s’en rendre compte, les convives participent à leur propre expérience. Ils la composent entre eux. La cuisinent avec la brigade même.
Ça fait partie de l’âme même de la restauration.
Je pense, peut-être naïvement, que c’est un peu la même chose avec les services professionnels ou le service conseil. Consultants et clients construisent une expérience ensemble. D’un côté, une agence apporte une âme avec elle en livrant ses services. De l’autre, le client nous partage un vécu et une personnalité qui lui sont propres.
Et nous pourrions être à risque de perdre tout cela si nous prenons un virage trop utilitaire et productiviste avec l’IA.
La rencontre des gens crée quelque chose. Peu importe qu’il s’agisse de relations publiques ou de tout autre forme de service conseil.