• 23 octobre 2025
  • Politique
  • Écrit par : Exponentiel

Analyse Exponentiel de la performance communicationnelle de certains candidats aux élections municipales

Parce que plusieurs têtes valent mieux qu'une, l'équipe d'Exponentiel se rencontre régulièrement pour réfléchir et analyser les dernières tendances en relations publiques, en relations gouvernementales et en médias sociaux. Bien sûr, les élections municipales, notamment celles de Montréal et des environs, retiennent notre attention depuis plusieurs semaines. Nous avons donc analysé le positionnement public des leaders de certaines formations politiques.

Retrouvez dans cet article quelques bons coups des candidats et des conseils de l’équipe Exponentiel sur leurs différentes stratégies de positionnement.

Bonne lecture!

Luc Rabouin (Projet Montréal)

Ce que l’équipe Exponentiel a aimé :

Le plus grand défi de Luc Rabouin, c’est de se faire connaître. C’est une situation un peu paradoxale, mais qui parle bien du candidat. Maire du Plateau depuis six ans, président du comité exécutif de l’administration de Valérie Plante, il a occupé des postes à haute visibilité dans l’administration municipale. Malgré cette expérience, M. Rabouin demeure méconnu du public. Le candidat de Projet Montréal connaît bien la « machine » municipale et, selon lui, c’est son plus grand atout.

Et ça se sent. Lorsqu’il intervient ou formule des propositions, il sait exactement comment il veut y arriver, que ce soit par un règlement, un mécanisme ou un poste budgétaire. C’est un gestionnaire efficace qui connaît aussi bien les chiffres que les processus.

M. Rabouin a récemment fait l’objet d’un article de fond du journal Le Devoir, qui nous a plongé dans son quotidien avec son équipe. C’est un bon coup pour un candidat qui peine à se faire connaître et remarquer. On a rarement accès aux coulisses d’une campagne, et Projet Montréal nous a offert une porte d’entrée intéressante. On y a vu un homme travaillant, motivé par le service public. Le commentaire qu’il partage à sa conseillère spéciale avant d’entrer dans une rencontre avec des gens d’affaires de Montréal le démontre bien : « Mais je ne suis pas à leur service. Nous, on est au service de la population.

Conseil d’expert

Gracia Kasoki Katahwa, qui serait la numéro deux d’une administration Rabouin, résume bien le défi de M. Rabouin : « Luc n’est pas flamboyant, mais il est un geek de la politique municipale, qui ne peut pas dormir tant qu’il n’a pas trouvé la solution à un problème ! ».

C’est rassurant de savoir qu’un élu consacre autant d’énergie à résoudre des enjeux complexes. Et Montréal en a plusieurs. Mais il est difficile d’inspirer en parlant de processus administratifs. Les élections municipales mobilisent peu. Selon les plus récents sondages, 37 % des électeurs demeurent indécis. Soraya Martinez Ferrada récolterait 26 % des intentions de vote, contre 18 % pour Luc Rabouin — un écart de huit points.

Les deux principaux candidats s’entendent sur les défis à relever, mais pas sur la manière de les résoudre. Dans un contexte où l’attention du public est limitée, la bataille se joue sur la capacité à incarner une vision, pas seulement à démontrer sa compétence.

Comme candidat, M. Rabouin gagnerait à faire ressentir pourquoi sa vision compte. En parlant d’avenir, de cohérence et de solutions concrètes pour la ville, il pourrait relier sa rigueur de gestionnaire à une vision plus humaine et inspirante de Montréal.

Soraya Martinez Ferrada (Ensemble Montréal)

Ce que l’équipe Exponentiel a aimé :

Soraya Martinez Ferrada a su donner une direction claire à sa campagne. Dès le lancement officiel de la campagne d’Ensemble Montréal, elle a présenté un plan d’action structuré, avec des mesures précises pour les 100 premiers jours, ce qui aide les électeurs à visualiser concrètement ce qu’elle veut faire si elle est élue. Elle parle souvent de thèmes qui touchent directement le quotidien, comme le logement, la propreté et la sécurité dans les quartiers. Ces enjeux simples, mais concrets, montrent qu’elle veut ramener la politique municipale à l’échelle des citoyens ordinaires.

Ce qui frappe aussi, c’est la constance de son message. Que ce soit dans ses entrevues à CityNews, à la radio CJAD ou dans les publications du parti, elle répète les mêmes priorités, avec un ton calme et posé. À titre d’exemple concret, questionnée par TVA Nouvelles sur les relations de travail à la Ville, elle a répondu que « les meilleures négociations, c’est à la table que ça se fait », réaffirmant une approche axée sur le dialogue et la recherche de résultats, et non un conflit qui se joue dans la sphère publique. Cette cohérence donne confiance : elle ne cherche pas à tout promettre, mais à expliquer comment elle compte livrer des résultats concrets. Sa posture de cheffe expérimentée, qui a déjà travaillé comme ministre et comme élue municipale, renforce aussi cette image de stabilité et de sérieux. En somme, elle s’impose peu à peu comme une figure capable de rallier un électorat fatigué des grands débats idéologiques, en quête de solutions pragmatiques.

Conseil d’expert

L’un des défis pour Soraya Martinez Ferrada sera de garder cet équilibre entre proximité et vision d’ensemble. Sa force actuelle, c’est sa capacité à expliquer les choses simplement. Toutefois, pour convaincre un plus grand nombre d’électeurs, elle devra aussi réussir à démontrer comment ses solutions locales s’inscrivent dans une vision d’ensemble pour Montréal, un exercice que la mairesse sortante Valérie Plante a toujours fait d’une main de maître. Par exemple, quand elle parle de propreté ou de sécurité, elle gagne à relier ces enjeux à une réflexion plus large sur la gestion des services publics, la qualité de vie urbaine et l’attrait touristique de Montréal.

Son approche très posée peut aussi séduire les électeurs modérés, mais elle devra trouver un ton un peu plus mobilisateur à l’approche du vote. Dans une campagne où plusieurs candidats misent sur la personnalité et l’émotion, garder un message clair tout en ajoutant une touche d’énergie et d’enthousiasme pourrait lui permettre de mieux capter l’attention du public. En résumé, Soraya Martinez Ferrada avance avec méthode et sérieux ; la prochaine étape consiste à donner à cette rigueur une dimension plus inspirante, sans perdre la crédibilité qui fait sa force.

Craig Sauvé (Transition Montréal)

Ce que l’équipe Exponentiel a aimé :

Un usage pertinent des réseaux sociaux : Craig Sauvé se démarque par une communication numérique directe et authentique sur les réseaux sociaux. Ses vidéos lui permettent de vulgariser ses propositions, de créer un lien de proximité avec les électeurs et de renforcer son image de candidat accessible et engagé. Il utilise également TikTok et Instagram pour toucher un public plus jeune et mobiliser les indécis. Cette stratégie numérique contribue à renforcer sa crédibilité auprès des électeurs en quête de transparence et de proximité, tout en élargissant sa portée auprès d’un public plus jeune et connecté.

L’équipe a également apprécié sa réactivité médiatique lorsqu’il a été exclu du premier débat organisé par le CORIM. Plutôt que de rester en retrait, Craig Sauvé a dénoncé publiquement cette décision, soulignant le manque de transparence dans les critères d’inclusion et affirmant que Transition Montréal méritait sa place dans l’espace démocratique. Il a rappelé qu’il était le candidat avec le plus d’années d’expérience comme élu municipal et a appelé à une représentation équitable des voix politiques émergentes. Cette prise de position lui a permis de gagner en visibilité médiatique, de mobiliser ses appuis et de renforcer son image de candidat engagé et combatif.

Conseil d’expert

Pour consolider son positionnement, Craig Sauvé pourrait mieux articuler la vision globale de Transition Montréal dans les médias traditionnels. Bien que sa présence numérique soit forte, une stratégie plus affirmée dans les grands médias (tribunes, débats, entrevues radio et télé) permettrait de toucher un électorat plus large.

Cette nécessité est d’autant plus importante que sa vision politique est divergente de celle de plusieurs partis établis. En proposant une refonte des mécanismes municipaux (ex. Bâtir Montréal, encadrement des loyers, légalisation des maisons de chambres), Craig Sauvé bouscule les paradigmes habituels. Pour que cette rupture soit bien comprise et acceptée, elle doit être expliquée dans des formats plus traditionnels, où les électeurs moins familiers avec les réseaux sociaux peuvent saisir la cohérence et la portée de ses idées politiques.

Cette présence accrue dans les médias traditionnels permettrait aussi de clarifier certaines ambiguïtés perçues par l’électorat. Lors d’une entrevue radio récente, Craig Sauvé s’est vu poser une question directe : pourquoi les Montréalais devraient croire en son intérêt pour la mairie alors qu’il s’est présenté deux fois au fédéral pour le NPD en 2024 lors d’une élection partielle et 2025 lors de l’élection générale ? Il a répondu en soulignant ses 12 années comme conseiller municipal et ses 15 ans d’implication à l’hôtel de ville, expliquant que ses candidatures fédérales visaient à mieux défendre les enjeux locaux comme le logement et le transport en commun.

Une question qui aurait pu semer le doute a plutôt permis de mettre en lumière la cohérence de son parcours et sa volonté de créer des ponts entre les paliers de gouvernement pour mieux servir Montréal.

Jean-François Kacou (Futur Montréal)

Ce que l’équipe Exponentiel a aimé :

Une approche innovante sur LinkedIn. Jean-François Kacou s’est fait remarquer récemment dans quelques médias grâce à l’utilisation innovante de sa plateforme personnelle LinkedIn. Afin de recruter les candidats de son parti, il rend disponible des offres d’emploi sur ce réseau social. Même si cette technique s’avère moins traditionnelle, M. Kacou croit fortement que les candidats « de qualité » et motivés peuvent avoir envie de se présenter. Même si Exponentiel n’est pas en mesure d’obtenir le nombre de candidatures crédibles reçues par l’équipe de M. Kacou, la créativité de cette initiative mérite d’être soulignée.

Toujours sur les réseaux sociaux, M. Kacou publie de nombreuses vidéos dynamiques, susceptibles d’attirer une tout autre audience. Grâce à un ton engageant et un contenu axé sur les enjeux actuels, ainsi que ses convictions politiques, il parvient à toucher un public potentiellement plus jeune et curieux. Cette stratégie numérique renforce non seulement sa visibilité, mais lui permet également de mobiliser une communauté autour de ses idées.

Conseil d’expert

Depuis quelque temps, M. Kacou semble concentrer ses efforts sur son réseau personnel, s’entourant de personnes qui partagent sa vision et sa manière de penser. Une véritable chambre d’écho s’est formée autour de lui, amplifiant ses messages auprès d’un public déjà acquis à sa cause. Mais en politique, il ne suffit pas de parler à ceux qui sont déjà convaincus : l’enjeu consiste justement à aller à la rencontre de ceux qui doutent, mais que l’on souhaite rallier.

De plus, le lancement de son parti politique à seulement quelques mois des élections peut donner l’impression d’une démarche précipitée. La période, très serrée, nous pousse à nous questionner sur la préparation réelle et la capacité à mobiliser largement en si peu de temps. Cela étant dit, M. Kacou met souvent de l’avant ses réussites passées et il reste relativement discret sur ses intentions concrètes s’il était élu à la mairie de Montréal.

Afin d’améliorer son positionnement stratégique, M. Kacou gagnerait à multiplier les entretiens avec les médias locaux, pour toucher un électorat plus large et diversifié. Il lui serait également bénéfique de réaffirmer que les innovations réalisées durant son mandat comme maire de Percé, notamment l’amélioration des infrastructures, démontrent clairement sa capacité à en accomplir autant à Montréal.

Gilbert Thibodeau (Action Montréal)

Ce que l’équipe Exponentiel a aimé :

M. Gilbert Thibodeau a adopté à plusieurs reprises des positions fortes qui se distinguent des opinions majoritaires, par exemple celle de bannir les prières de rue ou encore de réduire le nombre de pistes cyclables afin d’ajouter des espaces de stationnements. Bien que cela puisse déplaire à une tranche majoritaire d’électeurs, cette stratégie lui permet d’attirer l’attention et de rejoindre un segment de la population ne s’identifiant pas aux propositions plus traditionnelles des partis. Ce positionnement assumé contribue à lui donner une image forte, cohérente et facilement reconnaissable dans l’espace médiatique.

Récemment, M. Thibodeau a participé à une entrevue vidéo dans le cadre de la série « Sur ma chaise », diffusée sur YouTube. Cette capsule, au ton intimiste et authentique, a permis de découvrir l’homme derrière le politicien. En parlant de son attachement à Montréal, de son parcours personnel et de ses motivations profondes, il réussit à projeter une image plus humaine et accessible. Ce format, loin des discours politiques traditionnels, lui permet de toucher un public différent et de renforcer sa crédibilité auprès des électeurs en quête de proximité et de sincérité. Cette initiative médiatique contribue à nuancer son image souvent perçue comme rigide ou controversée, tout en consolidant son positionnement comme candidat enraciné dans sa communauté.

Conseil d’expert

Le positionnement de M. Thibodeau gagnerait à être plus humain sur les médias sociaux. Actuellement, ses publications sur les médias sociaux sont souvent rédigées à la troisième personne, comme s’il s’agissait d’un article de presse. Cette approche crée une distance avec les électeurs et nuit à la perception d’accessibilité et de proximité, deux qualités essentielles pour un candidat à la mairie.

Dans un contexte où les citoyens recherchent des leaders authentiques et empathiques, il serait judicieux pour M. Thibodeau d’adopter un ton plus personnel, de partager des anecdotes, des moments de terrain, et d’interagir directement avec sa communauté numérique. Une stratégie de contenu plus incarnée pourrait renforcer sa crédibilité et son capital de sympathie.

Par ailleurs, M. Thibodeau a fait plusieurs apparitions dans des balados et sur des comptes suivis par des communautés plus ciblées. Bien que ces plateformes aient une portée limitée, elles offrent un espace propice pour mieux comprendre sa personnalité et ses propositions. Il pourrait tirer avantage de ces contenus en partageant des extraits sur ses propres réseaux sociaux, ce qui renforcerait sa visibilité et son image de candidat accessible.

Stéphane Boyer (Mouvement lavallois)

Ce que l’équipe Exponentiel a aimé :

Stéphane Boyer, chef du Mouvement lavallois et maire sortant, se distingue par une stratégie de communication ancrée dans la proximité et la mise en valeur de son équipe. Sur ses plateformes sociales, il présente actuellement un à un les candidats qui l’accompagnent en campagne. Ce choix de format personnalisé permet de créer un lien direct avec les citoyens tout en humanisant la démarche politique. En donnant de la visibilité aux membres de son équipe, il renforce l’image d’un maire rassembleur, dont le leadership est axé sur la collaboration et la reconnaissance du rôle de chacun dans le développement de Laval.

Sa transparence lors de l’annonce de sa maladie auto-immune a également marqué les esprits. En choisissant de s’exprimer ouvertement et avec calme, il a fait preuve d’une grande humanité, fidèle à son style de communication authentique et accessible. Il a aussi démontré une fine compréhension des perceptions en dissipant d’emblée toute inquiétude quant à sa capacité à exercer ses fonctions et à poursuivre les projets amorcés. Cette démarche a renforcé le lien de confiance qu’il entretient avec la population.

Sa communication repose également sur des résultats concrets, un élément central de son positionnement. Que ce soit la protection d’espaces naturels, l’amélioration des infrastructures ou des initiatives en mobilité durable, ses contenus mettent systématiquement de l’avant des réalisations mesurables. Cette approche pragmatique, axée sur l’action et la continuité, nourrit efficacement sa crédibilité politique et renforce sa volonté de transformation structurée pour Laval.

Conseil d’expert

Sa stratégie numérique gagnerait à être mieux adaptée aux codes des différentes plateformes, particulièrement sur TikTok. Le contenu qui y est diffusé est souvent identique à celui publié sur Facebook ou Instagram, ce qui limite son potentiel d’engagement auprès d’un public plus jeune. En optant pour des formats plus spontanés, des capsules tournées au cellulaire, des contenus de coulisses ou des réponses directes aux questions des citoyens, il pourrait mieux exploiter cette plateforme et élargir sa portée auprès d’un électorat moins rejoint par les communications politiques traditionnelles. Diversifier son approche sur TikTok lui permettrait d’incarner davantage la proximité qu’il met en avant et de consolider sa présence numérique avec une signature éditoriale plus dynamique.

Également, sa présence dans les médias traditionnels demeure mesurée, voire prudente. Alors que Laval est la 3e ville plus peuplée au Québec, on le voit rarement intervenir sur des enjeux plus larges qui dépassent le cadre strict de Laval, ce qui limite son rayonnement et sa capacité à s’imposer comme une voix influente dans le paysage politique québécois. Pourtant, certains sujets liés à ses priorités (mobilité durable, gouvernance municipale, lutte aux changements climatiques, développement économique responsable) lui offriraient des occasions pertinentes pour occuper davantage l’espace public. En prenant plus souvent la parole dans des tribunes d’opinion, en acceptant des entrevues de fond ou en participant à des panels thématiques, il pourrait développer un positionnement d’expert et accroître sa crédibilité au-delà de sa fonction de maire. Cette stratégie lui permettrait non seulement de gagner en visibilité, mais aussi de renforcer son statut de leader d’opinion, particulièrement auprès des électeurs indécis ou moins engagés.